5″41, 2017
Cette vidéo est le pendant d’une série photographique homonyme. Les deux projets réalisés de nuit dans le cadre d’une résidence, viennent interroger notre rapport au paysage et à l’environnement naturel au travers une construction principalement photographique. Le terme d’écoumène est notamment utilisé par le géographe Augustin Berque, pour désigner la relation de l’humain à son milieu, relation tant concrète que sensible, symbolique et technique. Les plans fixes qui constituent cette vidéo, sont habités par un déplacement lumineux qui d’un côté donne du mouvement à ces paysages fixes, mais d’un autre côté, la lumière découpe des plans qui réduisent les bois à un décors. Si le caractère fixe de l’image renvoie au photographique, les ombres qui se déplacent et vibrent constituent des références tant au théâtre qu’au cinéma.
Texte de présentation de l’ensemble du projet, écrit par Bruno Elisabeth :
Parcourir les bois, la nuit venue, à la lumière d’une torche, c’est à cette expérience aussi incongrue que captivante que nous confrontent les photographies et vidéos ici présentées. Si les nuits d’encre, aux tréfonds de la forêt, évoquent généralement les apparitions cauchemardesques ou féériques, d’étranges sabbats ou encore des rassemblements délictueux, ce n’est pas à ces imaginaires que nous renvoient, avant tout, ces images. Il pourrait pourtant paraître évident de convoquer de tels univers dans une forêt bretonne voisine des légendaires terres Arthuriennes. Mais, s’il y a bien de l’étrangeté dans ces images, celle-ci procède prioritairement d’un autre registre que de celui de l’inquiétude.
Dans cette série, comme dans certains travaux réalisés précédemment aux abords du cercle polaire arctique, Mael Le Golvan exploite pleinement certaines spécificités de la prise de vue photographique et de la photosensibilité. Le photographe, entouré de présences aussi furtives que discrètes, aussitôt envolées à l’allumage des torches, ressent sans voir, tout en troublant l’ordre et la quiétude de la forêt. L’artificialité de la source lumineuse est pour lui un leurre. Le piège photographique, lui, capture dans la temporalité de poses déployées sur plusieurs minutes. Loin de l’instantané, il modèle ainsi un décor, procédant de la mise en scène théâtrale ou cinématographique, jetant un voile d’obscurité sur les tréfonds des futaies. C’est alors, pour mieux déstabiliser notre rapport à ces espaces privés de perspectives, amputés de leur habituelle profondeur, que les bois se trouvent plongés dans un inconnu qu’il nous appartient in fine de peupler. S’il y a bien basculement de la banalité à l’enchantement, ce dernier n’est pas prioritairement celui de l’imaginaire ou du surnaturel, mais bien celui du jeu de mise en scène.
Habitué que nous sommes maintenant aux éclairages artificiels, nous avons depuis bien longtemps perdu tout rapport direct à l’obscurité. Ces oeuvres nous y confrontent très directement, dans une grande rigueur formelle et par le biais de dispositifs d’une sophistication paradoxalement économique, alliés à un talent d’observation affûté, aptes à substituer la confusion à nos certitudes, ouvrant sur des espaces et des temporalités parallèles abstraites, tour à tour aussi fascinantes qu’inquiétantes.